Les petites et moyennes entreprises en Afrique ont souvent du mal à accéder à des formes de financement adaptées, ce qui freine leur expansion et leur pérennité. Face à ce constat, un groupe de jeunes innovateurs a décidé de proposer une solution technologique capable d’évaluer plus précisément la fiabilité financière de ces structures. Le projet, baptisé Talaty, a vu le jour au Maroc en 2022, grâce à l’initiative de Soulaimane Lahrech, Simo Bernoussi, Ilyas Oudghiri et Zakaria E. L’idée repose sur un système d’intelligence artificielle associé à l’étude d’indicateurs qui dépassent le cadre purement comptable, afin d’offrir une vision plus large de la capacité d’une entreprise à rembourser un crédit.
Talaty s’appuie sur des données financières et comportementales pour dresser le profil de chaque PME. De nombreux établissements bancaires hésitent encore à accorder des prêts si l’entreprise ne présente pas un solide historique de transactions. La plateforme mise alors sur des algorithmes d’apprentissage automatique qui traitent diverses informations, allant de la fiabilité des factures jusqu’aux signaux de croissance sur les réseaux ou plateformes de vente. Cette démarche constitue un moyen d’anticiper les risques, tout en permettant de soutenir des dossiers qui seraient jugés trop limités par des canaux bancaires traditionnels.
Selon les cofondateurs, cette approche facilite la décision pour les partenaires financiers, car elle donne une note de solvabilité plus nuancée. Les banques peuvent ainsi élargir leurs critères de sélection et accompagner des entrepreneurs prometteurs, même si leurs bilans ne répondent pas aux exigences classiques. Pour les petites structures, la rapidité d’examen du dossier est un atout essentiel, car obtenir un financement dans des délais courts est souvent décisif. Grâce à son automatisation, la plateforme entend également réduire les risques de défaillance jusqu’à 90%, ce qui représente un gain appréciable pour les prêteurs.
“Nous avons conçu Talaty pour combler le fossé qui existe entre les PME et les organismes de crédit,” affirme Soulaimane Lahrech. “En analysant de manière précise leurs capacités de remboursement, on offre la possibilité de soutenir des activités parfois essentielles pour l’économie locale, tout en sécurisant l’investissement.”
Les difficultés rencontrées par les PME africaines sont largement documentées. Plusieurs études estiment que l’Afrique compte plus de 100 millions de petites et moyennes entreprises, mais seule une minorité parvient à lever suffisamment de fonds pour se développer. Beaucoup d’entre elles finissent par fermer en raison d’un manque de capitaux ou d’un cycle de trésorerie instable. Cette situation engendre un manque à gagner pour l’ensemble de l’écosystème économique, puisque ces entreprises jouent un rôle important dans la création d’emplois et la diversification du tissu industriel. Selon des spécialistes en Afrique du Sud, le besoin global en financement pour ce segment est évalué à plusieurs centaines de milliards de dollars par an, alors qu’à peine une fraction est réellement mobilisée.
En décembre 2024, Talaty a d’ailleurs reçu une enveloppe d’investissement dont le montant précis n’a pas été révélé. Cette somme doit notamment lui permettre de consolider son implantation au Maroc et d’étudier des perspectives d’extension vers d’autres régions. Les promoteurs du projet restent confiants : ils comptent s’appuyer sur des partenariats nouveaux et l’enrichissement de l’algorithme d’analyse, afin de proposer des solutions encore plus efficaces. Il s’agit, par exemple, d’intégrer des données issues de registres publics, de plateformes de facturation en ligne ou de services de scoring additionnels, dans le but d’affiner toujours plus les profils de risque.
“Nous ambitionnons de simplifier considérablement la recherche de financement pour les entrepreneurs,” explique Soulaimane Lahrech. “Notre mission ne s’arrête pas à la mise à disposition d’un algorithme, nous voulons accompagner les institutions financières vers une gestion plus fluide de leurs évaluations et de leurs coûts, tout en favorisant la croissance de l’économie locale.”
Dans un contexte où le paysage de la fintech ne cesse d’évoluer au Maroc et sur le reste du continent, les solutions axées sur l’intelligence artificielle gagnent du terrain. L’essor des paiements mobiles, l’accès à Internet qui se généralise et la volonté de moderniser les pratiques bancaires créent un climat propice à ce type d’initiatives. Talaty, en tant qu’acteur émergent, espère ainsi convaincre les banques et sociétés de microfinance qu’il est possible de prêter à de petites entités sans courir de trop grands risques, pour peu qu’on dispose des bons outils d’évaluation.
Le recours à l’IA pour analyser la santé financière d’une PME constitue un levier stratégique qui pourrait stimuler davantage d’investissements en faveur des entrepreneurs. Cet élan vers des technologies de pointe devrait contribuer à créer un environnement économique plus équilibré, où l’accès aux prêts ne se limite plus aux seules structures disposant de solides antécédents. Le modèle porté par Talaty a ainsi vocation à faire évoluer la mentalité des financeurs tout autant que celle des entrepreneurs, en soulignant la valeur d’analyses objectives et réactives.
Pour beaucoup de responsables de PME, l’enjeu consiste non seulement à obtenir des fonds, mais aussi à le faire dans des délais acceptables pour que leurs projets ne restent pas en attente. L’approche de Talaty, qui mise sur la complémentarité entre un algorithme évolutif et des informations collectées en temps réel, propose donc un nouveau cadre pour instaurer la confiance. La présence de garanties matérielles n’est plus l’unique critère retenu, puisqu’une vision plus globale de l’entreprise est désormais possible.
Cette initiative, nourrie par l’intelligence artificielle, illustre le chemin que prennent nombre de start-up africaines désireuses de résoudre des problèmes concrets. Elle incarne aussi l’idée que, lorsque la technologie est appliquée à des problématiques économiques, elle peut favoriser une répartition plus équilibrée des ressources financières. En somme, Talaty et ses associés entendent ouvrir la voie à une méthode plus souple d’octroi de crédits, tout en renforçant la stabilité des portefeuilles des banques partenaires.
Par Hilaria KOSI